Plus les années passent, et plus on peut se demander si Sony ne s’est pas lancé dans une gigantesque vendetta suicidaire contre Marvel, depuis l’imbroglio autour des droits de Spider-Man. C’est bien simple : après avoir déféqué sans vergogne sur Venom, Carnage et Morbius, sabotant l’identité créative de cinéastes talentueux comme Daniel Espinosa et J.C. Chandor, Sony nous livre un Madame Web tout droit sorti de la station d’épuration voisine, suivi d’un très attendu Kraven, à peine mieux… Et tandis que le public réclamait ardemment des films solos sur les iconiques Rhino, Mysterio, Scorpion, l’Homme-Sable ou encore le Shocker, Sony prend tout le monde à contre-pied en voulant nous offrir, sans consentement, une énième fable sur El Muerto, dont tout le monde se moque éperdument.
Vient alors Kraven. Repoussé à maintes reprises, le film devait être le premier R-Rated du désormais ex-SSU. Et voilà qu’il cumule les mêmes problèmes que Madame Web, en pire. ChatGPT semble être passé par là, tant on se demande comment trois cerveaux de scénaristes ont pu pondre un torchon aussi infâme. « Kraven, ça rime avec fun » ; « J’ai la peau dure comme un Rhino » ; « Elle est morte… je ne l’ai plus jamais revue« . On se demanderait presque si le scénario initial n’a pas été échangé par inadvertance avec la rédaction d’un collégien peu inspiré. Mention spéciale aux méchants : un Rhino qui cabotine à fond, des CGI hideux, un charisme proche de celui d’une moule en décomposition, et surtout un agent secret aux lunettes noires qui s’amuse à jouer à « 1, 2, 3, soleil« . Ses pouvoirs sont ridicules et visuellement similaires aux visions de Cassandra Web.
Russell Crowe reprend son accent des bas-fonds de la Russie, qu’il semble incapable d’oublier depuis le chef-d’œuvre (ironie oblige) Thor: Love and Thunder, où il incarnait un Zeus caricatural. Rien n’est crédible : tout respire les effets visuels moches et absurdes. Où sont passés les 110 millions de dollars ? La photographie est atroce (ce gris poussiéreux qui donne un ton monocorde à cette mouscaille est insupportable). Rien ne va dans ce marasme ambiant. Il faut croire que Sony avait presque décidé de sacrifier son film. Et vu le four intersidéral de celui-ci aux États-Unis, il paraissait évident qu’il fallait dire adieu à cet univers déjà mort.
Résultat des courses : Sony a consciemment massacré six années de possibilités créatives en sortant six films incapables de placer la barre au strict minimum de ce que l’on attend d’un film de super-héros en 2024. C’est face à ces excréments d’une autre époque que l’on viendrait presque à décerner un Oscar à The Marvels et une médaille du mérite au premier Venom.
Comment est-il possible, sincèrement, qu’une telle infamie soit sortie de l’esprit de trois scénaristes ? Si ce n’est avec une « aide » de ChatGPT ? Pire encore, nous vanter les mérites d’un film gore pour deux-trois effusions de sang tout au plus, c’est mentir sur la marchandise. Et il faut croire que c’est devenu une spécialité de la firme après un Madame Web sans Spider-Women. Pourtant, quelques idées auraient pu faire de Kraven un film légèrement meilleur : renforcer les choix créatifs présents dans une rare scène réussie (l’irruption de Kraven dans un château turc), abandonner le blabla inutile pour se concentrer sur l’action, tirer un trait sur une origin story superflue et ainsi gagner du temps pour développer les protagonistes. Les spectateurs en ont assez des origin stories ! Enfin, il aurait fallu assumer l’humour, quitte à faire un Marvel un peu sanglant mais cohérent dans sa tonalité.
Au final, on obtient un gloubi-boulga numérique grisâtre et hideux, écrit comme par un enfant de huit ans, bourré de MacGuffins (oh mon dieu, je dois retrouver mon frère kidnappé) et de twists prévisibles et risibles. Les commanditaires du SSU viennent de parachever la mort des méchants de Spider-Man. Remerciez-les comme il se doit : n’allez surtout pas voir cette chierie (disons que nous nous sommes sacrifiés pour vous).