Film d’ouverture de la sélection Cannoise « Un certain regard » en 2023, Le Règne animal de Thomas Cailley est le deuxième film du réalisateur après Les Combattants (2014). Un audacieux pitch de départ pour un film Français puisque l’histoire suit François (Romain Duris) et Emile (Paul Kircher) qui tente de s’habituer à leur nouvelle vie après que la mère de famille, Lana, soit atteinte d’une maladie transformant les humains en animaux. Une grosse production d’auteur de 16 millions d’euros – directement chargée de tutoyer les films Fantastiques Américains. Et que cela fait du bien, après Acide, d’avoir un nouvel exemple de cinéma de genre à la Française. Le Règne Animal est un film organique, onirique et d’une beauté sans nom.
La poésie du film se marie bien avec le côté grand spectacle. Cailley manie plusieurs genres cinématographiques avec doigté et simplicité. Avant tout drame contemporain familial, le Règne Animal parle également de l’acceptation de soi, l’adolescence et nous offre tout autant des instants suspendus où le réalisateur nous plonge dans un fantastique ahurissant de beauté et de sensationnalisme. Dans une sphère intime limitée à quelques décors, on se sent presque enfermés dans ce monde alternatif et contemplatif où l’on ne manque pas non plus de sursauter de temps en temps.
Difficile de ne pas souligner au film une vraie maîtrise de son art tant les plans savent mettre en lumière la beauté des costumes et des effets spéciaux – savants mélanges d’animatroniques, d’effets physiques et numériques. Le rythme insaisissable du film est aussi une de ses grande qualité, alternant entre plusieurs genres énoncés ci-dessus et des stases d’extases impressionnantes (la rencontre entre Emile et sa mère). Ce Sweet Tooth à la Française s’appuie sur la force de son image pour scotcher le spectateur à son siège et lui en mettre plein la vue.
Un véritable tour de force, une réussite totale mélangeant plusieurs genres et plusieurs messages clefs – la différence sous tous points de vues (à l’école – créatures/humains – le rejet de l’inconnu) – la transformation des corps (genre tellement bien transcrit au cinéma depuis le Titane de Julia Ducournau) et une petite touche fantastique qui ne nous rend que plus admiratifs. Après Nicolas Giraud (L’Astronaute), Guillaume Nicloux (La Tour), Martin Bourboulon (Le Blockbuster des Trois Mousquetaires), Just Philippot (Acide), 2023 est décidément une démonstration que le film de genre Français a encore – beaucoup, beaucoup – de choses à nous raconter.