Un couple se rend sur une île isolée pour dîner dans un des restaurants les plus en vogue du moment, en compagnie d’autres invités triés sur le volet. Le savoureux menu concocté par le chef va leur réserver des surprises aussi étonnantes que radicales…
Telle est la mystérieuse histoire de ce « Whodunit » – qui désigne un film à mystère où le meurtrier présumé n’est révélé qu’à la toute fin –. Le Menu est signé Mark Mylod, qui nous pond un film tout droit sorti des esprits les plus tordus et intrigants de M. Night Shyamalan ou Ari Aster. Ce qui fait en effet la sève du film, c’est sa capacité à entretenir le mystère pendant toute sa première moitié avant de changer radicalement d’objectif. Si la zone d’ombre du long-métrage était « Que va-t-il se passer dans ce restaurant ? » cela devient rapidement « Comment cela va-t-il se passer ?« . On se pose ces questions avec le même entrain tant la tension monte crescendo au cours du long-métrage.
Le Menu flirte avec les limites de l’horrifique, en désamorçant souvent une situation ambigüe et malaisante grâce à l’humour. Mais l’œuvre de Mark Mylod conserve des partitions gores et horrifiques de haute volée, ainsi qu’une ambiance anxiogène qui nous emprisonne dans ce huis-clos intimiste. On est rapidement déstabilisés face à des moments de climax largement inattendus qui viennent nous clouer à notre siège. Si Le Menu a quelques colorations d’épouvante-horreur, il ne se dispense pas tellement de tous les artifices inhérents à ce style de longs-métrages.
En effet, le film livre sans doute le jumpscare le plus intelligent de l’année, voire de la décennie. Sans user de mécanismes trop fortuits (apparitions face caméra avec un son brusque), c’est Ralph Fiennes qui vient rythmer le film en le découpant lui-même en actes, et chacune de ses interventions forcément votre silence et votre attention (en vous faisant sursauter au passage). Spoiler Le Menu serait presque un crime, tant il est essentiel de bénéficier d’une ardoise vierge d’indices ou de théories avant d’aller le voir au cinéma pour en apprécier tous ses mystères.
Porté par un Ralph Fiennes qui se révèle être le ciment du film, tous les autres acteurs s’en donnent à coeur joie pour poser leur pierre à l’édifice de cet éprouvant thriller. Anya Taylor-Joy sublime bien entendu le long-métrage par sa capacité à s’imposer comme un contre-personnage crédible qui tient tête à celui de Fiennes. Dans la même veine que les films de Shyamalan, il faudra s’accrocher pour supporter les saillies sanglantes et inattendues de ce Menu spécial, mais en étant vigilant vous verrez qu’il s’agit là d’un film fait avec maîtrise et pointillisme, faisant de cette production un must-see de cet automne 2022.