Netflix s’attaque à l’un des piliers de la pop culture avec son actualisation du Little Nemo au pays des rêves du légendaire Winsor McCay, créateur de bandes dessinées et de dessins animés visionnaire, qui posa les bases et les structures narratives de l’animation et BD modernes. De Miyazaki à Mobius, l’influence de McCay est internationale et se ressent, encore aujourd’hui, dans de nombreux supports. Revisiter l’univers d’un tel personnage n’était pas une mince affaire et allait évidemment amener son lot d’attentes et de doutes.
Le résultat tient de l’actualisation librement inspirée que l’adaptation très fidèle. En prenant le parti de modifier le genre de son héros et le style si particulier du monde des rêves originale, Francis Lawrence prends une nouvelle direction assez rafraichissante et maitrisée sans pour autant chercher à révolutionner le genre. Le récit, assez simple, installe d’emblée une dimension dramatique forte qui pousse le spectateur à un attachement rapide aux protagonistes. L’action et la narration sont claires et dynamiques, ce qui rend le métrage accessible à toute la famille. Dans un ensemble mêlant aventures oniriques et émotions concrètes, le réalisateur jongle habilement avec les ressentis du spectateur en passant du rire aux larmes tout au long de l’aventure de La Petite Nemo, interprétée par la prometteuse Marlow Barkley.
Malgré les distances prises avec l’oeuvre originale, on retrouve des éléments forts et marquants du Little Nemo de McCay. Du lit baladeur, au réveils soudains de Nemo les rappels à la BD sont discrets et bien placés. Le traitement de Flip, personnage important des aventures du Nemo original, à également droit à une refonte quasi complète, en conservant l’attitude versatile, son nom et ses capacités de hors la loi du monde des rêves, Lawrence appuie à nouveau sur le fait qu’on est clairement sur la libre inspiration et pas une adaptation directe et fidèle. Si l’interprétation de Jason Momoa peut paraitre thêatrale et surjouée de prime abord, loin de ses rôles de gros bras lourdaud habituels, elle correspond à la nature excentrique de Flip, et on sent le plaisir de l’acteur à l’écran. comme l’original, ce Flip est attachant malgré ses travers et prend ici une nouvelle dimension en trouvant un point d’ancrage dans le monde réel. Encore une fois une actualisation réussie du matériau d’origine qui donne au film sa propre identité.
Les effets spéciaux sobres font le travail malgré une utilisation à outrance des fonds verts. Ils retranscrivent efficacement le monde des rêves sans pousser à la surenchère. Avec un traitement qui rappelle étrangement la structure bureaucratique du T.V.A. du MCU installé dans la série Loki, dans une ambiance très 70’s faisant également écho aux Funky Cops, le Slumberland s’éloigne des palais royaux et de la monarchie présente dans le Nemo original. Un choix artistique qui permet au film de prendre une distance et de trouver son identité propre. Loin de la copie visuelle, le film est un hommage inspiré.
Si la forme est réussie, malgré des détails qui feront grincer des dents les puristes ou les plus tatillons des spectateurs sur la qualités des effets numériques, le fond est sans nul doute possible l’atout majeur du film. Le traitement du deuil par le biais des rêves d’une enfant est lourd de sens et apporte son lot d’émotions, tant l’interprétation est juste et sans fioritures. Pas de grands éclats larmoyants mais un traitement sobre et délicat qui permet au plus grand nombre de saisir les émotions tout aussi délicatement, une véritable maitrise dans la réalisation que dans l’interprétation. Mention spéciale à Chris O’Dowd, qui incarne Filip l’oncle de Nemo et que l’on a pu voir dans l’excellente série The IT crowd. Son jeu, tout en retenue terriblement efficace, vous tirera une petite larmichette.
Sans être grandiose, cette nouvelle production Netflix est autrement plus efficace que d’ordinaire. En tenant son spectateur du début à la fin sans longueurs ni morale ronflante, Francis Lawrence nous offre une aventure onirique divertissante et accessible à tous. Sans recopier l’original, il parvient à en conserver l’essence pour y superposer un drame humain touchant et maitrisé du début à la fin. Enfin un film original Netflix qui reste convaincant de bout en bout, pour peu bien évidemment qu’on se laisse prendre par l’histoire.