Analyses

Grégory Gadebois en quatre œuvres : Un de nos meilleurs comédiens Français ?

Le Jeu © Mars Film

Grégory Gadebois est un acteur français, né le 24 juillet 1976 à Gruchet-le-Valasse en Seine-Maritime. Ancien élève du conservatoire national supérieur d’art dramatique, il devient pensionnaire de la Comédie-Française de 2006 à 2012, comme bon nombres d’autres acteurs Français de renom :  Pierre Niney, Laurent Lafitte ou encore Benjamin Lavernhe. S’il a tourné dans quelques longs-métrages avant 2011, c’est en 2012 qu’il connaît la consécration avec le film Angèle et Tony d’Alix Delaporte où il remporte le César du meilleur espoir masculin. Grégory Gadebois a alors 35 ans.

Une carrière devenue éclectique depuis, que ce soit au niveau de ses performances au théâtre que sur grand écran. Gadebois a côtoyé les plus grands réalisateurs et a multiplié les apparitions sur des projets d’ampleurs et envergures diverses. Du drame Français indépendant aux productions un peu plus massives (J’accuse ! Le Trésor du Petit Nicolas), Grégory Gadebois commence à avoir une filmographie variée qui fait de lui un acteur talentueux aux multiples facettes capable de jouer des personnages différents. Zoom sur sa carrière en quatre œuvres :

Mon âme par toi guérie : Une prestation XXL en émotions
Mon âme par toi guérie © Alfama Films

Frédi, la trentaine fatiguée, vit seul avec son père. Sa mère, décédée depuis quelques mois, lui a transmis son don de magnétiseur : guérir les gens avec ses mains. Mais Frédi, dépassé par ce don, préfère s’oublier dans le travail et les aventures d’un soir…

Un soir justement qu’il roule à moto, il percute un enfant par accident. L’enfant se retrouve dans le coma. Frédi cherche alors à le réveiller, puis s’engage à guérir les autres de leurs malheurs physiques et sentimentaux. Mais face à l’échec, il se demande s’il ne doit pas d’abord se guérir lui-même…

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On est en 2013. Au début de la carrière de Grégory Gadebois. Pour ce film indépendant et très intimiste, le cinéaste François Dupeyron arrive à s’entourer de grands noms : Jean-Pierre Daroussin, Céline Sallette, Philippe Rebbot ou encore Stéphan Wojtowicz. Un long-métrage particulier, tant sur le fond que sur la forme. Lors d’une rencontre que nous avons eue avec François Dupeyron lors d’une diffusion exceptionnelle du film à Sainte-Maxime en 2014, ce dernier a assuré que le salaire de Gadebois était “une moto”. Cela donne donc une tendance claire : On retrouvera dans ce film des comédiens motivés et passionnés par leurs métiers et investis par l’histoire.

Histoire qui n’est d’ailleurs pas facile. Dupeyron explore les fondements du magnétisme et ces gens qui se prétendent guérisseurs. Le film n’est pas un pro ou anti “guérisseurs” mais bien une vision posée et presque didactique sur ces gens qui ont des particularités, ces gens qui perçoivent les autres autrement. Et Gadebois campe à merveille l’un deux, en l’occurrence Fredi. Cet être humain en mal-être dans un monde qui ne lui offre aucune emphase, aucune motivation concrète. Un homme en décalage avec la société qui l’entoure et qui le contrarie jusque dans son fort intérieur. Plusieurs fois, Frédi est attaqué par de violentes crises de convulsions traduisant sa souffrance et qu’il arrive à surmonter en aidant les autres.

Mon âme par toi guérie © Alfama Films

Un détail particulier du film et qui montre clairement un point essentiel des « guérisseurs ». Ces derniers ne sont pas dépeints comme des Merlin l’Enchanteur mais ont simplement une empathie et une clairvoyance – innée ou non – qui peuvent les démarquer des autres. Dans le film, une maman d’une petite fille atteinte d’une maladie incurable et dégénérative va voir Frédi pour espérer un miracle. Ce dernier annonce ne rien pouvoir faire, provoquant alors la colère de la mère. Elle revient par la suite pour s’excuser, ce à quoi Frédi l’a met en garde : De se “détacher émotionnellement de sa petite fille” pour quelqu’un d’autre de sa famille qu’elle a délaissé. Le message sous-entendu est celui-ci : En aidant son autre proche et en accompagnant du mieux possible sa petite fille pour ses derniers jours, elle souffrira peut-être moins ou aura trouvé l’aide de quelqu’un perdu de vue qui l’aidera à vivre cette future épreuve du deuil. 

Dupeyron ne prend pas de gants pour affronter dans ce film la dure réalité de la vie, et la peur de la mort. Et Grégory Gadebois endosse le rôle de ce géant fragile avec force, audace et maîtrise. Un nouveau tour de force dramatique qui aura valu à l’acteur une nomination pour la 39ème cérémonie des Césars en tant que meilleur acteur, perdue contre Guillaume Gallienne pour Les Garçons et Guillaume, à table !

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Lors d’une de nos rencontres avec Grégory Gadebois en 2015, ce dernier a par ailleurs confié vouloir retravailler avec grand plaisir avec François Dupeyron. Ce dernier est malheureusement décédé le 25 Février 2016 des suites d’un cancer du cerveau. Il restera le cinéaste de l’humanisme, suffisamment connu de quelques-uns pour savoir qu’il était un monstre du cinéma pour une seule raison : Celle d’avoir une puissance artistique indéniable pour retranscrire la vie telle qu’elle est en réalité. Mon âme par toi guérie, dans la foulée, a véritablement participé au lancement de la carrière de Grégory Gadebois. 

Des Fleurs pour Algernon : Tout l’étalage du jeu de l’acteur en une performance théâtrale
Image libre de droit

Grégory Gadebois a été l’unique comédien de la pièce Des Fleurs pour Algernon, d’après Daniel Keyes, adapté par Gérald Sibleyras et mis en scène par Anne Kessler. Seul sur scène pendant plus d’une heure trente, Grégory Gadebois joue Charlie, un jeune retardé mental qui se voit offrir la possibilité d’être opéré du cerveau pour être plus intelligent après qu’une expérience similaire ait pu être conduite sur une souris nommée Algernon. Charlie devient progressivement intelligent et commence à se poser des questions sur son “lui” antérieur. Mais l’expérience décline progressivement jusqu’à ce que le jeune homme retrouve le “soi” d’antan.

Par une capacité exceptionnelle à jouer de différents langages, intonations et d’attitudes, Grégory Gadebois parvient à dompter un personnage extrêmement difficile. Sans devenir caricatural, il joue à la perfection le simple d’esprit et réussit à capter son auditoire de façon progressive en même temps que l’état de Charlie altère. La sobriété de la mise en scène d’Anne Kessler va de pair avec l’œuvre : Tout repose sur les épaules de son acteur principal.

Le site toutelaculture.com écrit très justement ceci :

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“Comment rendre justice enfin à l’immense Grégory Gadebois, ancien pensionnaire de la Comédie Française, littéralement habité par le rôle de Charlie, dont le jeu parfait restitue avec une humanité rare et sublime les émotions et le cheminement intellectuel du personnage, tel une courbe de Gauss? Son phrasé, sa posture, son regard et tous ces petits détails qui composent le rôle sont servis avec un brio sans égal au spectateur subjugué. Le comédien transcende l’oeuvre et nous touche au coeur.”

Si vous voulez voir l’étalage du talent de Grégory Gadebois, dans un registre beaucoup plus modeste, c’est donc ici qu’il faut aller.

Le Dernier Coup de Marteau : Une force dramaturgique et un succès à la clef
Le dernier coup de marteau © Lionceau Films

Quand Victor, treize ans, pousse la porte de l’Opéra Comédie à Montpellier, il ne connaît rien à la musique. Il ne connaît pas non plus son père venu diriger la 6e symphonie de Mahler. Il l’observe de loin, découvre l’univers des répétitions…

Le jour où Nadia, sa mère, lui annonce qu’ils doivent quitter leur maison sur la plage, Victor s’inquiète. Pour sa mère, dont il sent qu’elle lui cache quelque chose, mais aussi pour sa relation naissante avec Luna, la voisine espagnole. Victor décide alors de se montrer pour la première fois à son père…

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Deux fois primé à la Mostra de Venise de 2014, Le Dernier Coup de Marteau est un puissant film indépendant sur la famille. Romain Paul et Clotilde Hesme portent le film, dans la même trempe émotionnelle que Mon âme par toi guérie. Et Grégory Gadebois se montre ici dans un tout autre registre : un musicien important, bourru au début, mais capable aussi d’avoir du cœur. C’est un registre rare dans lequel on le retrouve mais il campe le personnage à merveille, montrant ainsi sa capacité à endosser des rôles plus sombres (en témoigne sa performance dans le film J’accuse !)

Présidents : Une arrivée médiatique
Présidents © Ciné-@

Le film “Le Jeu” de Fred Cavayé (2018) ouvre les portes du cinéma populaire au comédien. En jouant dans cette production comique médiatisée portée par un réalisateur important du milieu, Gadebois se fait une place dans ce casting cinq étoile et tire son épingle du jeu en campant le personnage le plus difficile à incarner du groupe : Ben.

Dans le film : Ben est un professeur d’EPS, divorcé, et dont le contrat dans un lycée privé n’a pas été renouvelé. Bien qu’il prétende avoir rencontré une autre femme, Julie, il a en réalité commencé une relation avec un homme, Julien, mais cache son orientation sexuelle (qui est à la base de la fin de son contrat) à ses amis. Son “secret” demeure une des principales sources de tension du film au moment du repas. 

Grégory Gadebois arrive à maîtriser l’envergure comique de son personnage, puis demeure capable de rebondir directement sur de la colère et une envergure plus sérieuse quand le besoin s’en fait sentir. Mieux encore, il arrive à transmettre le rire tout en restant sérieux. C’est cette maîtrise qui le fera arriver en grandes pompes dans la fable politico-satirique : Présidents (2021) d’Anne Fontaine. Le film narre la confrontation à l’élection présidentielle de deux hommes politiques de bords politiques opposés. Les deux protagonistes sont inspirés librement de deux anciens présidents de la République, Nicolas Sarkozy et François Hollande, respectivement incarnés par Jean Dujardin et Grégory Gadebois

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Propulsé dans le premier rôle partagé avec Dujardin, Grégory Gadebois est exposé aux critiques envers le film, jugeant celui-ci “inutile” à l’arrivée de la première bande-annonce. Pourtant, il est important de souligner la qualité de l’écriture du film, très bien retranscrit par les comédiens. Gadebois campe un François Hollande caricatural, colérique, probablement à l’opposé de notre Ancien Président mais le but est accompli : faire une adaptation libre. Ce film montre la capacité de l’acteur à endosser des rôles plus importants et à toujours distiller intelligemment de l’humour, sans tomber dans le forcing. 

Outre ces qualités et ces longs-métrages, beaucoup d’autres films de Grégory Gadebois demeurent de vraies pépites à consommer sans modération, tant le comédien est l’un des plus talentueux de notre cinéma actuel. 

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