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Critiques

Titane : La synergie des possibles pour le firmament cinématographique

Titane © Kazak Productions ; Arte France Cinémas

Quatre ans après le contemplatif et violent « Grave », Julia Ducournau revient avec « Titane », film sensation du dernier Festival de Cannes avec une palme d’or au compteur. Ayant fortement divisé la critique presse et les spectateurs, partagés entre la beauté de l’objet filmique et la violence acerbe des images, Titane était probablement l’attraction ciné de cet été pour les spectateurs avides de découvertes un peu exotiques. Et le moindre que l’on puisse dire c’est que la talentueuse cinéaste Française explose les codes de l’horreur pour nous fournir un métrage hybride entre drame familial noir, film contemplatif et long-métrage anxiogène et horrifique. Attention spoilers !

Parce qu’après deux longs-métrages, Julia Ducournau prouve qu’elle maîtrise un art difficile : la synergie des genres, pour aboutir vers un parti-pris unique en son genre. Premier fait d’armes intelligent, la réalisatrice n’a pas dévoilé son intrigue, ou du moins partiellement. La bande annonce restait assez évasive quant au contenu et pouvait nous lâcher sur des fausses pistes. Titane ne promet rien, et offre son intrigue à son spectateur en direct. La séquence d’ouverture, sobrement mise en scène, ponctuée par de pesants silences, casse déjà les codes : l’héroïne de Titane vient d’une famille qui n’a pas l’air de s’aimer outre-mesure. Le ton est donné, et pourtant aucune information ne viendra nous aiguiller là-dessus. Le contexte familial de l’héroïne Alexia peut ressembler à une carte facile à défausser pour faire avancer l’intrigue mais non, il faut interpréter. C’est cela l’objectif de Titane, chercher à comprendre en interprétant les agissements des personnages. Comprendre à quels moments ils sont lucides, à quels moments ils pensent telle ou telle chose.

Passionnée par le corps, Julia Ducournau retrouve des gimmicks de Grave, toujours très bien positionnés et filmés avec minutie. La peau démange, les personnages se mutilent, voient leurs corps changer, s’infligent des souffrances atroces parce qu’ils ont un trait de personnalité qui leur est propre. Justine cherche à se construire dans Grave, tandis qu’Alexia, sorte d’hybride femme-machine, tente de trouver sa place dans un monde qu’elle conchie où, malmenée par une enfance somme toute compliquée, elle part en quête d’un amour universel, qu’il soit amical, sexuel ou familial (le consensus de ces trois recherches se retrouvera en Vincent Lindon).

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Titane désarçonne puisque le film prend à contre-pied toutes les campagnes marketing lancées par les médias. Oui le film est violent, non il n’est pas ultra-suffoquant et n’est pas non plus un concentré d’hémoglobine. Julia Ducournau trouve le juste milieu. Le malsain est présent, la violence aussi, mais tout sert bien l’intrigue. Les personnages sont des êtres paumés, qui peinent à trouver leurs places alors qu’ils vivent des situations complètement différentes. Passé l’intense première demi-heure du film, où les meurtres s’enchaînent avec une ambiance musicale particulièrement éprouvante, le film s’apaise puis met vraiment en exergue Vincent et Alexia, ces deux êtres abîmés par la société qui tentent ensemble de trouver un point de convergence. 

Le but de Titane est clair : montrer, dans la démystification du corps, toute la souffrance psychique et émotionnelle de certains êtres humains. En ce sens, la trajectoire d’Alexia (Agathe Rousselle) et Vincent (Vincent Lindon) est facile à analyser. Alexia, qui a enlevé la vie en début de film alors qu’elle se cherchait (comme Justine dans Grave), conclut son arc en trouvant en Vincent la personne qui lui apporte amour et protection (chose qu’elle n’a jamais connue), tandis que Vincent, qui s’abîme lui même le corps parce que perturbé par un événement familial violent, conclut son arc en devenant père à nouveau. 

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En réalité, Julia Ducournau a dissimulé sa trame narrative : chacun est parti de son côté, même si Vincent n’a pas forcément eu d’origin-story dans Titane, les deux se sont rejoints, ont avancé ensemble, et ont fini le film dans des proportions différentes. 

Titane est un film qui se visionne plusieurs fois, afin de saisir tous les tenants et aboutissants des parti-pris artistiques de Julia Ducournau. Le jeu des couleurs en est un symptôme. Chaque utilisation d’une palette de couleur a une intention, un message. Par exemple, le rose/violet est particulièrement utilisé lors des moments de plénitude et de joie vécus par Vincent (lorsqu’il s’injecte des piqûres de stéroïdes pour la première fois à l’écran et lors de la fête dansante des pompiers). Cette couleur disparaît progressivement lorsque le personne ne trouve plus cette force dans la drogue, mais lorsqu’il vit des moments émouvants avec son faux fils.

La force du film réside aussi dans son contre-pied parfait aux spectateurs. Encore une fois, NON. Le but de Titane n’est pas de choquer. Le but n’est pas d’épouvanter le spectateur. Il s’agissait du leitmotiv de Gaspard Noé avec Climax, où la réalisation multipliant les prises de vues borderlines (avec ces travellings circulaires passant le cadre à l’envers), la photographie poisseuse et la shaky-cam oppressante garantissent la nausée chez le spectateur. Julia Ducournau expose elle la violence, la drogue comme quelque chose d’anodin dans la vie de tous les jours parce que omniprésente dans nos sociétés et montre que deux êtres impactés par ces deux formes de souffrance se rejoignent et trouvent ensemble une paix certaine. 

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Titane est bien aidé par ses acteurs, où une Agathe Rousselle multi-facettes apparaît comme démentielle, dans un jeu composé à 90% de non-verbal, et la performance extraordinaire de Vincent Lindon est aussi à souligner. Le polyvalent acteur de 62 ans apparaît ici comme un monstre de la nature, réfugié sous stéroïdes et sous une musculature impressionnante pour asseoir une domination concrète sur tout ce qui l’entoure depuis le drame qu’il a vécu. Et, encore une fois, c’est très bien géré par le film. Ayant facilement éliminé les hommes et les femmes qu’elle a abattus, Alexia tente dès ses débuts avec Vincent de tuer ce dernier. Mais la force physique du personnage écrase la sentence : non, elle ne parviendra pas à ses desseins. Au point où face à son seul moment de faiblesse, elle ne choisit pas de l’éliminer. C’est un jeu du chat et la souris qui se dessine avec ces deux personnages. Les deux sont bestiaux, violents, mais aucun n’a cette capacité d’éliminer l’autre. 

Constamment dans la suggestion, Titane invite à l’interprétation et propose un film tout sauf borderline. Avec une vrai ligne narrative claire et définie, Titane sublime les corps et propose une véritable narration violente, mais porteuse d’un véritable message de fond. Une œuvre qui résonnera probablement comme culte dans les prochaines décennies. 

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