Solo : A Star Wars Story fut le long-métrage Star Wars le plus mal-aimé des fans. Dès sa post-production, les choses n’allaient pas dans le bon sens. Initialement aux manettes, Phil Lord et Chris Miller ont été virés par Lucasfilm et remplacés par Ron Howard, qui a dû reprendre en main une production clairement donnée comme morte avant même d’avoir pu sortir en salles. Le comédien Alden Ehrenreich, découvert dans le Avé César ! (2016) de Joel et Ethan Cohen occupait le personnage mythique de Han Solo. Il faut aussi souligner que des rumeurs avaient pu fuiter des plateaux de tournage de Solo autour d’un présumé « professeur » d’expression scénique pour l’acteur de 31 ans, renforçant la défiance des fans pour le spin-off de Disney.
La sentence fut sans appel. Fort d’un budget gargantuesque de 275 millions de dollars (en raison des multiples reshoots), Solo n’aura rapporté que 392 millions de dollars, bien loin du milliard encaissé par Rogue One, le précédant film dérivé ou des gros scores de Star Wars VII, VIII et IX. Ce très mauvais score aura poussé Disney a revoir sa stratégie commerciale, en évinçant des projets attendus des salles de cinéma (comme le spin-off sur Obi-Wan Kenobi) afin de les rediriger vers Disney+.
Le film a continué d’alimenter la polémique après sa sortie. Alden Ehrenreich a ouvertement accusé la presse mondiale d’avoir été à l’origine du bide en salles et Ron Howard, dans une récente interview, a continué de croire que si les fans pouvaient se mobiliser en masse, alors une suite pourrait voir le jour (même si cela semble peu probable). Aujourd’hui, c’est une autre personne affiliée au projet qui tire à boulets rouges sur la catastrophe industrielle de Disney et Lucasfilm et non des moindres, puisqu’il s’agit du chef opérateur Bradford Young (Premier Contact).
Interviewé par le podcast Team Deakins, Young est revenu en détails sur ce projet chaotique, en revenant déjà autour du fait qu’il avait failli refuser de s’inscrire dedans :
“J’ai n’ai pas du tout pris en considération l’offre au début. […] Et puis j’ai parlé aux réalisateurs et ils m’ont expliqué ce qu’ils essayaient de faire. À ce moment-là, ils se référaient beaucoup au western de Robert Altman, John McCabe [mis en lumière par Vilmos Zsigmond, dont le style très sombre a fortement inspiré Young], et je me suis dit, ‘Oh ! OK, c’est l’un de mes préférés’. J’ai senti qu’il y avait un lien avec certains des films que j’ai pu faire.
Le chef opérateur s’est ensuite attardé sur le renvoi de Phil Lord et Chris Miller, à trois semaines de la fin du tournage, où il a fortement cru qu’il allait lui aussi prendre la porte :
“Ça a été difficile. Et mes peurs se sont réveillées. Je me disais, ‘ils virent des gens, tandis que d’autres entrent en scène !’. Mais j’ai eu la chance de beaucoup parler avec Kathy [Kennedy, présidente de Lucasfilm, ndlr] et Allison Schearmur [productrice exécutive], et elles ne sont pas là pour jouer. Elles sont là pour l’art. C’était génial de se rendre compte qu’il y avait des personnes dans ce processus qui étaient là pour défendre l’art et qui voulaient s’assurer que le film donne cette impression. ‘Nous ne voulons pas perdre cela, car c’est ce que les gens attendent de ces films’. C’était rafraichissant d’entendre cela. […] Quand ils ont changé de réalisateur, j’ai pensé pendant une seconde, ‘peut-être devrais-je partir ?’ Et puis, je me suis dit, ‘Non, il faut que je reste’, parce qu’on avait travaillé si dur, mon équipe et moi, pour développer cette esthétique. Le film en avait besoin.”
En témoignant de la constante incertitude autour de son travail et de la direction artistique que prenait le film, la sentence est claire. Solo : A Star Wars Story est décidément bel et bien un cas complexe dans l’histoire des Blockbusters Hollywoodiens.