On revient sur un thriller Français qui n’a pas connu un véritable succès commercial même si le métrage a bénéficié d’un bouche-à-oreille plutôt positif, à savoir Un illustre inconnu de Matthieu Delaporte, sorti en 2014. Le synopsis annonce directement un long-métrage Français qui sort des sentiers battus :
« Sébastien Nicolas a toujours rêvé d’être quelqu’un d’autre. Mais il n’a jamais eu d’imagination. Alors il copie. Il observe, suit puis imite les gens qu’il rencontre. Il traverse leurs vies. Mais certains voyages sont sans retour. »
Tout a été pensé, au sein de ce long-métrage, pour percuter le spectateur grâce à un scénario toujours puissant. Le personnage principal suit, observe et surtout passe le plus clair de son temps à construire des masques sophistiqués transformant complètement son visage pour correspondre aux clients de son agence immobilière. Parce que Sébastien Nicolas, le protagoniste, est agent immobilier. Un métier où il gagne plutôt bien sa vie en apparence mais où il n’est pas heureux. Sébastien Nicolas c’est le personnage transparent par excellence. Le choix de nommer le personnage par deux prénoms distincts renforcent ce côté « anonyme » du héros. La photographie de David Ungaro participe à cette atmosphère noire.
Le film n’a jamais la moindre source de lumière et reste très pessimiste. Toute la réalisation léchée de Delaporte accompagne bien l’attitude du personnage central et la noirceur du récit.
Le long-métrage s’ouvre sur l’apparent suicide de Sébastien Nicolas et annonce directement la couleur, mais c’est une façon aussi de tracer intelligemment la linéarité de l’évolution du personnage. Si tout démontre que ce dernier est transparent et dépressif, on comprend que son salut passera par le « hobby » qu’il met en place depuis le début du film, à savoir le maquillage pour se glisser dans la peau de personnes qu’il rencontre. Delaporte utilise le flash-back pour prendre à contre-pied les événements au début du film.
L’ouverture sur l’événement dramatique de l’explosion, sans explications, sans contextualisations, est un parti-pris exceptionnel du cinéaste Français. Parce qu’un événement aussi fort que l’explosion de la maison de son personnage central ne permet pas au spectateur de se construire un avis fixe sur l’avenir de ce dernier, et Delaporte et les scénaristes peuvent faire absolument TOUT ce qu’ils veulent passé cette séquence d’ouverture.
Sébastien Nicolas pique l’apparence d’un célèbre et riche musicien qui rejette sa fille. Et lorsqu’il se retrouve respectivement confronté au rejet du vrai musicien pour sa progéniture et le suicide de ce dernier, il se retrouve malgré lui enfermé dans ses mensonges, à devoir composer avec quelqu’un qui n’est pas soi.
C’est donc de véritables thématiques salvatrices que met en exergue Matthieu Delaporte. Le refus de son identité initiale, la dépression, l’envie de ressembler aux autres parce que les autres sont meilleurs qu’eux sont des thèmes abordés par le scénario de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière. Le duo de réalisateurs Français signent un thriller noir, très intelligent et porté par un immense Mathieu Kassovitz, qui interprète plusieurs personnages avec une facilité déconcertante. Le long-métrage reste un must-see Français à voir de toute urgence.
Dernier paragraphe sur De la Patellière et Matthieu Delaporte. C’est très probablement le duo de professionnels du cinéma le plus talentueux en France actuellement. Ils ont réalisé Le Prénom en 2012, adaptation réussie de la pièce du théâtre du même nom, ils ont scénarisé l’une des comédies Français les plus intelligentes de ces dernières années (Papa ou Maman de Martin Bourboulon – 2015). Nous n’avons pas vu « Le meilleur reste à venir » avec le duo Luchini / Bruel mais les retours critiques semblent convenables.
En tout cas, Delaporte et De la Patellière restent inévitablement les professionnels Français du cinéma les plus réguliers de cette décennie en termes de qualité cinématographique.