Ressusciter un monument de la Fantasy comme The Dark Crystal est un pari audacieux et risqué. Pourtant l’équipe en charge de la série Netflix, menée par un Louis Leterrier au meilleur de sa forme, réussit le tour de force de faire revivre la magie du long métrage de Jim Henson et Franck Oz, sorti en 1982, tout en l’améliorant.
Un spectacle de marionnettes en 10 épisodes fourmillant d’action et d’émotion. Là ou le film était limité par son budget et sa durée, la série emporte le spectateur dans une exploration approfondie du mythe et la magie de « Thra », une planète hors du temps. Un monde féerique où cohabitent difficilement des créatures improbables issues de l’imaginaire de Brian Froud, dessinateur des « fragiles » Gelflings, des gentils Podlings un peu benêts, des placides Mystiques, des redoutables Skekses, et d’une myriade des créatures qui font du monde de The Dark Crystal, un ensemble complet et cohérent. Un univers fictif entier au même titre que la Terre du milieu de Tolkien ou encore l’age Hyborien de Robert E. Howard.
Si les marionnettes peuvent rebuter les spectateurs ne connaissant pas le film, plus habitués au traitement numérique de ce genre d’univers à la manière d’Arthur et les Minimoys. Elles apportent pourtant une profonde authenticité à l’ensemble et font rapidement oublier l’aspect « Minikeums » de personnages tels que les Gelflings. A l’opposé, les Skekses, hideux hybrides dragons/rapaces, sont d’un réalisme saisissant qui parvient à faire oublier que l’on regarde des marionnettes. L’aspect « muppets » est vite oublié, tant l’esthétique générale fait corps avec le récit et l’action qui en découle.
Bien que le show cible une audience relativement jeune, le monde de Thra peut s’avérer aussi onirique que cauchemardesque. Tels les contes de Grimm ou de Perrault, les personnages peuvent faire preuve d’une cruauté inattendue, qui pourrait surprendre les plus jeunes spectateurs comme la séquence du « gobe-mirettes » ou l’arrivée du Chasseur.
Le récit est simple tout en étant très élaboré, avec un manichéisme subtil et une trame narrative qui s’étale sans lourdeurs tout au long des épisodes. Une mise en place et un développement qui entremêle séquence de narration pure et scènes d’actions menées tambour battant. Encore une fois, il faut vraiment entrer dans l’univers et l’accepter comme tel pour que la magie opère. Si l’esthétique ne vous convainc pas, le développement narratif s’en chargera. Les liens et dissensions entre les différents personnages proposent un traitement qui fait parfois écho, toutes proportions gardées, à Game of Thrones. Les 10 épisodes s’enchainent comme un long métrage, avec une constance posée dès les premières minutes.
D’un point de vue technique, c’est une symphonie ou la maitrise se ressent à tous les niveaux. Un travail d’orfèvre colossal animé par la passion d’une équipe, qui sublime le matériau de base pour en faire un hommage exceptionnel. Une méthode de travail « à l’ancienne » titanesque, dévoilée dans l’excellent making-of, disponible également sur Netflix.
Malgré ses indéniables qualités, Dark Crystal : l’âge de la résistance restera malheureusement hermétique à une partie de l’audience, pour l’autre partie cette première saison paraitra bien trop courte. Mais ils pourront continuer l’expérience dans une version comics à paraitre le 25 septembre aux éditions Glénat intitulée The power of the Dark Crystal. Une histoire qui, à l’inverse de la série préquelle au film de 1982, relatera la suite des évènements.