Gaspard Noé est un homme qui divise, tout le monde le sait. Ultra-provocateur, c’est un cinéaste Français qui étonne sans cesse par les différentes voies cinématographiques qu’il choisit d’emprunter. Choquer et faire sortir le spectateur de sa zone de confort, c’est en quelque sorte le leitmotiv qui guide ses films. Dernièrement, cela n’avait pas forcément fonctionné avec « Love », son précédent film, que nous avons trouvé beaucoup trop classique et rébarbatif pour en être appréciable. Il est de retour avec une œuvre qui promettait une nouvelle fois de pousser le vice de l’être humain à son paroxysme avec « Climax ».
Moralité : Bon film ou énième pamphlet maladroit d’une société humaine ?
On reste assez sceptique face à ce visionnage. Il est essentiel de constater que « Climax » est une œuvre irrespirable, qui joue avec un jusqu’au-boutisme éprouvant pour un spectateur qui pourrait ne pas être habitué au cinéma de Noé. Pourtant, cette catharsis justifie un propos et une narration en toile de fond qui paraît être essentiel. Ainsi, « Climax » parvient à être plus incisif et important que « Love » mais possède toujours son lot de faussetés qui empêche d’apprécier le résultat en globalité même si la tentative de réaliser un tel film est tout à fait louable.
Le long-métrage de Gaspard Noé commence sur les chapeaux de roue, avec un montage délirant totalement hors du carcan de nos productions hexagonales. Dénaturant toutes conventions, il impose un style salvateur, rythmé et corrosif qui en devient inconfortable pour le spectateur. Après la présentation des personnages sous fond d’un écran de télévision, le générique bascule tout de suite sur un message qui en impose : « Gaspard Noé… vous présente un film Français et fier de l’être » … de quoi annoncer la couleur.
Noé dissémine un tas de détails important sur sa façon de penser le cinéma tout au long du métrage. Pendant le plan fixe sur la télévision, un tas de références filmiques sont rangées dans des étagères. Parmi elles, le film surréaliste décrie de Bunuel « Un chien andalou » et le supra-indigeste « Salo ou les 120 journées de Sodome » dont la réputation n’est plus à faire. Tout de suite, Gaspard Noé semble nous immerger dans ce qu’il sait faire de mieux, il nous présente ses inspirations concrètes et nous prévient que Climax ne sera en aucun cas une séance comme les autres.
Parce que la force de Climax c’est cela, c’est réussir à proposer quelque chose que nul autre que Gaspard Noé arrive à faire. Si les 50 premières minutes semblent vraiment longues et poussives, c’est pour introduire un festival de la décadence humaine qui vous prendra littéralement aux tripes (au sens propre du terme). Le réalisateur Franco-Argentin se joue des différents plans avec une facilité déconcertante. En proposant des travellings circulaires incessants, une caméra qui n’est presque jamais fixe et des plans vus de haut, il parvient à créer le malaise chez son spectateur pour que l’expérience vécue en soit suffocante mais marquante.
Mettant en exergue le vice et les dangers de la drogue, « Climax » peut être l’œuvre la plus dissuasive possible auprès des jeunes. La descente aux enfers est une notion magnifiée par Noé qui pousse chacun de ses personnages dans ses retranchements les plus intimes. Le séducteur implacable devient un faible, la mère de famille devient totalement irresponsable… Si d’autres personnages peuvent avoir une apparence plus clichée, certains protagonistes illustrent avec justesse la face sombre d’un être humain en plein de ce que l’on appelle communément, un bad trip (après une prise de drogues hallucinogènes).
Climax c’est surtout cela, de la provocation, une certaine ardeur à vouloir bomber le torse quitte à choquer les plus pragmatiques d’entre-nous. On peut se montrer virulent sur Gaspard Noé et sa filmographie mais on est en droit de se demander : est-ce justifié ? N’est-il pas justement le meilleur visionnaire d’un cinéma Français percutant et dont le message sera intemporel ? Le film ne prend aucune pincette et déploie une gargantuesque fresque horrifique juste sous nos yeux. Auto-mutilation, une femme qui prend feu, un enfant ivre… Le politiquement incorrect est légion, pourtant tout parvient à servir le propos du film de la manière la plus juste qui soit.
Que l’on aime ou que l’on déteste, Climax fait très fort. Gaspard Noé réussit à créer une œuvre totalement inédite et une expérience malsaine tellement difficile à vivre que le voir en salle de cinéma déclenche quelque chose chez le spectateur. Nous ne sommes pas spectateurs passifs. Climax prend à malin plaisir à interagir indirectement avec toi, pour te sensibiliser, te déstabiliser, te choquer, te révolter… Et cela, en France, seul Gaspard Noé sait le faire.