Espéré tel le messie depuis son introduction dans la seconde saison de Daredevil, le Punisher made in Netflix était attendu au tournant.
Plus encore après les échecs critiques successifs qu’ont été Iron Fist et The Defenders. La mission de Franck Castle était de redorer le blason des chevaliers Marvel avec cette première saison solo. Une mission brillamment réussie.
50 NUANCES DE FRANCK
Les showrunners ont pris le parti de donner une vision actualisée et dépoussiérée du Punisher des comics tout en conservant l’essence du personnage. Au delà du grand carnage annoncé, la série explore l’univers du héros en adaptant de nombreux éléments pour les faire correspondre à l’ensemble des précédentes séries MARVEL/NETFLIX.
Bien qu’il ne soit pas indispensable d’avoir vu la seconde saison de Daredevil pour saisir les tenants et aboutissants de cette aventure solo, cela aide à la compréhension globale des liens entre les personnages, renforçant du même coup l’impact dramatique de certaines séquences. Outre la vendetta poursuivie contre divers ennemis, le showrunner Steve Lightfoot propose une version plus approfondie et touchante du personnage en exploitant des éléments jusqu’alors survolés dans les différentes adaptations ciné du Punisher.
Le trauma de la mort de sa famille qui met en avant l’humanité meurtrie de Castle, qui porte son deuil à travers divers flashbacks et cauchemars. Là ou les films utilisaient sa peine pour alimenter une vengeance sauvage, le format série permet d’ancrer la colère plus profondément et d’expliquer en partie pourquoi la guerre menée par Franck est une lutte sans fin. Reprenant les bases du personnage, la série construit petit à petit un Punisher passant du guerrier errant sans but, au soldat investi d’une mission.
Si la narration de cette phase de renaissance peut sembler lente par moment, elle est essentielle pour ressentir la montée en puissance du personnage. Autre élément indispensable à tout bon héros, un bon faire valoir. David « Microchip » Lieberman, interprété par Ebon Moss-Bachrach, est habilement introduit et développé et le lien créé entre les deux hommes montre la volonté des showrunners de rendre ce duo improbable, concret et attachant.
GUERRE ET PAIX
Loin de la brute décérébrée que laisse présager le personnage en surface, cette version du personnage est très nuancée et le détache du manichéisme des héros classiques. Bien qu’il ne s’encombre pas d’état d’âme et dispose des menaces de manière brutale et expéditive, Franck Castle est avant tout un soldat. Un code d’honneur et une certaine noblesse, qui font de lui une sorte de paladin des temps modernes luttant avec bravoure pour ce qu’il estime juste et bon, quitte à mettre sa vie en péril.
Le Punisher devient donc un rempart protégeant la veuve et l’orphelin, mis en scène ici au travers de la famille de Micro qui est, techniquement, la veuve et les orphelins. Bien qu’aucun big bad ne ressorte vraiment de cette première saison, qui tourne essentiellement autour d’un complot, les personnages de Rawlins et Billy Russo ont également été adaptés intelligemment par rapport à leurs homologues des comics.
Si Rawlins, incarné par Paul Schulze, ne subit que peu de changements, Billy, interpréter par Ben Barnes voit ses origines remaniées pour le fondre dans l’ensemble narratif de manière logique et naturelle. Le mafieux du comics devient ici un membre des forces spéciales et frère d’armes de Castle. En unissant les deux hommes par la guerre, la haine qu’ils se vouent mutuellement à la fin de cette saison devient légitime et encore plus intense. De plus, le mafieux des comics ne pouvait rivaliser bien longtemps avec la force brute du Punisher. Le Billy « soldat » en revanche, affronte Castle sur un pied d’égalité, ce qui intensifie leur affrontement final. Cette version de Billy Russo ouvre ici une voie royale au personnage de « Jigsaw » pour une potentielle seconde saison. Jigsaw étant le némésis du Punisher dans le comics.
L’ART DE LA GUERRE
Techniquement solide et dotée d’un récit laissant peu de place au temps mort, la série est une réussite. On ressent malgré tout, dans quelques sous-intrigues, la volonté d’allonger la sauce pour faire tenir l’ensemble sur 13 épisodes, là ou 9 aurait largement suffi. Cette sensation est cependant vite oubliée grâce à l’efficacité du rythme et de la structure narrative. Les diverses interventions de l’irritante Karen Page (Deborah Ann Woll) font partie des éléments dispensables n’ayant pour but que de faire la jonction avec les autres séries Marvel/Netflix.
Le romantisme n’étant pas ce qui caractérise le plus l’univers du Punisher, les scènes de tendresse sont rapidement mises hors-jeu par un Franck Castle conscient que l’amour n’a plus de place dans sa vie. Les épisodes ont tous la même structure et offrent une scène d’action principale en seconde partie. Si cette construction peut paraitre convenue et simpliste, elle est compensée par le dosage de la violence au fil des épisodes. Une escalade de brutalité en crescendo vers un final en apothéose, furieux et sanguinaire.
Ce Punisher ne fait pas dans la dentelle et trace sa voie vers le succès dans un déluge de balles, sous les traits d’un Jon Bernthal intense et incontestablement taillé pour le rôle.
La tuerie annoncée a bien eu lieu et le Punisher se hisse aux côtés de Daredevil dans le peloton de tête des séries de superhéros matures et cohérentes. Loin des héros propres qui peuplent l’écurie Marvel, Castle rejoint le camp des outsiders badass. Une réussite et un soulagement après les craintes générées par les précédentes productions Marvel/Netflix. Espérons que la fin de contrat entre Disney et Netflix n’entamera pas le succès de ces personnages à l’avenir et que la recette appliquée au Punisher inspirera les responsables de la saison 2 de Jessica Jones.