Figure de proue des Oscars de l’année 2021, The Father de Florian Zeller raconte l’histoire d’Anthony, 81 ans, qui voit peu à peu la réalité se fendre sous ses yeux. Tandis qu’il est accompagné par sa fille Anne, il va tenter d’avancer petit à petit dans un monde biscornu, qu’il ne reconnaît plus. Nominé à six reprises aux Oscars, The Father aura récompensé l’immense Anthony Hopkins, magistral dans le rôle de ce père au tempérament de feu, qui transparaît comme étant en inévitable perdition. Parce que si le long-métrage repose sans nul doute sur l’extraordinaire interprétation de son acteur vedette, le reste du casting n’est pas en reste. Mais la force de The Father réside clairement dans sa réalisation et la capacité de déstructurer continuellement son récit.
Jouant continuellement avec son espace, avec les personnages, avec le montage souvent biaisé des dialogues et des situations, le spectateur est immergé de plein pied dans ce que perçoit Anthony et on ne parvient plus très bien à distinguer le vrai du faux. Si le film nous offre quelques rares moments de lucidité, on reste pris dans un tourbillon d’émotions contradictoires. Florian Zeller livre une partition de folie. On vit avec les personnages, on souffre avec Anthony et on part sur la même base que lui, c’est-à-dire au sein d’un monde sans structure nette, où tout peut changer.
Aux antipodes de la caricature, Anthony Hopkins livre une interprétation divine, pleine de poésie, remplie de lucidité sur le fait de vieillir, de se voir diminuer… Jonglant entre la sentence presque cruelle et le message d’espoir, The Father est une véritable composition d’équilibriste usant de tous les artefacts pour que le message et la symbolique demeure chez chaque spectateur au moment du générique final.
Dans la composition des plans, Zeller organise les prises de vues de sorte à ce qu’elles fassent intégralement partie du quotidien d’Anthony. Les repères sont là, fixes, et pourtant tout semble changer continuellement. Le réalisateur Français se charge aussi de distiller des repères continus en termes de personnages présents tout au long de l’intrigue, et on se doute bien que quelque chose ne tourne pas rond. Cependant, il y avait quelque chose d’intéressant à exploiter mais qui nous a fait rester sur notre faim : la relation entre Anne et Anthony, bien que capitale pour le film, apparaît comme sous-exploitée. Le passif d’Anthony est trop peu présent dans The Father, mais on accepte la logique. Pour déstructurer encore un peu plus le récit, quoi de mieux que de propulser son protagoniste directement dans un instant présent ?
Autre état de réussite : la musique de Ludovico Einaudi. Le compositeur Italien, dont le talent n’est plus à prouver, livre une palette de sons qui renforce l’émotion dense qui gargarise le long-métrage. On se laisse porter par ces quatre-vingt dix-huit minutes intenses, qui ne nous laissent pas forcément de répit.
Énonciateur d’une terrible réalité, The Father reste cependant un puissant message sur la vieillesse, sur la famille et le temps qui passe. Un véritable bijou de réussite qui vient marquer de façon indélébile l’année 2021 pour ce retour dans les salles de cinéma.
