Cette rétro-review est assez particulière, puisqu’elle concerne la mini-série « Daredevil : Jaune » de l’excellent duo Jeph Loeb – Tim Sale (Spider-Man : Bleu, Hulk : Gris, Captain America : Blanc, Un long Halloween, Amère Victoire), publiée aux Etats-Unis en 2001 et en France en 2002. Ce fut à l’époque LE comics qui m’a rendu amoureux de Daredevil, devenu par la suite mon personnage favori de Marvel grâce au run de Frank Miller. Le récit est d’ailleurs de nouveau disponible en librairie grâce à la collection « Spider-Man, Daredevil, Hulk » de Jeph Loeb et Tim Sale, publié par Panini Comics.
L’histoire raconte les débuts de l’Homme sans peur lorsqu’il portait encore son premier costume jaune et rouge. Cette mini-série a été pour Jeph Loeb et Tim Sale, l’occasion de revisiter à leur manière le mythe de Daredevil, dont la mort de son père, Jack Murdock, et sa rencontre avec Karen Page, tout en donnant un nouvel élan aux aventures du justicier.
« Chère Karen, j’ai peur. Chaque fois que tout semble aller mieux, je ferme les yeux et te revois dans mes bras. C’est comme si un trou s’ouvrait dans ma poitrine. A la longue, il se referme et… quelqu’un a le même rire que toi ou porte ton parfum, et le trou se rouvre. Je n’ai pas faim, j’ai du mal à me concentrer. Je ne peux ni travailler, ni vivre ma vie. C’est de pire en pire, et Foggy s’inquiète. Et souviens-toi, quand Foggy s’inquiète, il cherche des solutions. Il m’a suggéré… où va-t-il chercher tout ça… de t’écrire ce que je ressens, d’extérioriser. Je trouve que ce n’est pas une mauvais idée. Je suis allé au gymnase Fogwell l’autre soir. Il a été détruit par un incendie. Mon père passait sa vie là-bas. Malgré les années et les cendres, je sentais encore l’odeur de son aftershave et du talc. Je ne sais pas trop quoi t’écrire, mais j’ai pensé qu’en reprenant au début, tu pourrais… m’aider à retrouver l’Homme sans peur. » Ainsi débutent les cinq premières pages du comics, uniquement en noir et blanc, à l’exception de la couleur rouge utilisée pour le costume de Daredevil. Les pages suivantes nous ramènent donc dans le passé de Matt Murdock, tout en couleurs nuancées avec brio par le coloriste Matt Hollingsworth.
Le récit nous plonge d’abord dans les années de fac de Matt et Foggy, et de leur colocation, nous faisant également assister au procès de Sweeney et Slade, les meurtriers de Jack Murdock, et du verdict qui accorde leur relaxe. Dès l’obtention de son diplôme, Matt compte équilibrer la balance de la justice en se confectionnant un costume à partir du peignoir et des gants de boxe de son père. Grâce à son intervention vigilante, Slade est arrêté avec l’arme du crime, tandis que Sweeney, paniqué, meurt d’une crise cardiaque après une poursuite effrénée. Peu de temps après, Matt et Foggy ouvrent leur cabinet d’avocats, engageant Karen Page comme secrétaire. Les premiers clients frappant à leur porte, ou plutôt à leur fenêtre, s’avèrent haut en couleurs puisqu’il s’agit des Quatre Fantastiques. Ces derniers ont, en effet, besoin d’une assistance juridique concernant le bail du Baxter Building et leurs brevets scientifiques. D’une sortie au Marlin Café à une partie de bowling entre Matt, Foggy et Karen, en passant par la relation amoureuse naissante de Matt et Karen, ainsi que la jalousie de Foggy à l’égard de Matt, la vie quotidienne et professionnelle des protagonistes est traitée avec soin et réalisme. Leur psychologie s’avère authentique, formant le coeur et l’intérêt du récit.
Le comics narre également les premières confrontations de Daredevil contre Electro, Le Hibou et L’Homme-Pourpre (Killgrave). Le coup de crayon propre à Tim Sale permet une excellente utilisation des dons de Daredevil et de sa parfaite maîtrise de l’équilibre dans les scènes d’actions. Tant au niveau de l’écriture que du dessin, Daredevil : Jaune est sans nul doute l’un des meilleurs récits de Jeph Loeb et Tim Sale avec Un long Halloween et Amère Victoire. Hormis les épisodes scénarisés par Frank Miller, nous avons rarement vu une ambiance aussi forte et un scénario si précis dans un comics de Daredevil, bien qu’ils soient à mille lieues des névroses de Matt et du côté extrêmement sombre installé par Miller qui avait su redonner ses lettres de noblesse au personnage (traités bien entendus avec soin par les artistes qui l’ont succédé). Bien que la mélancolie et l’affliction de Matt envers la mort de Karen soient présentes dans les scènes du présent, le comics permet surtout un joli clin d’oeil à la période charmante et plus légère des années 60.
En conclusion, « Daredevil : Jaune » est un excellent récit pour les connaisseurs du personnage et les fans de l’âge d’or de Marvel Comics, tout en étant très accessible pour un nouveau lectorat, puisqu’il permet de revenir sur les origines du justicier. Ajoutez à cela des illustrations, une mise en page et une colorisation somptueuses, de sympathiques scènes d’action ainsi que des psychologies justes et un soupçon de romance, et vous obtenez l’une des meilleures mini-séries sur l’Homme sans peur.
9/10